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La faillite de la Silicon Valley Bank, prémices d’une nouvelle crise financière ?


Rédigé par le Mercredi 15 Mars 2023

La hausse du taux directeur par la Réserve fédérale des Etats-Unis commence à faire des dégâts. La faillite de la Silicon Valley Bank fait craindre un effet domino qui s’étend à l’ensemble de la planète.



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« Les Américains peuvent se rassurer, le système bancaire est solide », a déclaré le 13 mars, le président Joe Biden, suite à la faillite déclarée, le 10 mars, de la Silicon Valley Bank (SVB), 16ème plus grande banque des Etats-Unis.

Ces propos seront-ils suffisants pour rassurer les Américains, qui viennent d’assister à la seconde plus grosse faillite de l’Histoire des Etats-Unis, après celle de la banque « Washington Mutual », en septembre 2008 ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord savoir si la faillite de la SVB, qui pesait 209 milliards de dollars d’actifs, rapidement suivie par celles de la Silvergate Bank, 14 milliards de dollars, et de la Signature Bank, 110 milliards de dollars, relève uniquement du défaut de liquidité ou, plus grave, d’une défaillance systémique.

Chronique d’une faillite surprise

Le 8 mars, les dirigeants de la Silicon Valley Bank ont annoncé avoir subi une perte de 1,8 milliards de dollars sur la vente d’obligations et font appel à une hausse de capital de l’ordre des 2 milliards de dollars pour disposer de suffisamment de liquidité pour répondre aux besoins de ses clients, des startups exclusivement.

La SVB disposait, en effet, d’un portefeuille de titres de créance à des fins de transaction à court terme, les AFS, comptabilisés sur son bilan à hauteur de 23,97 milliards de dollars, mais que la banque régionale californienne a dû céder pour seulement 21,45 milliards de dollars.

On a appris, par la suite, que c’est la banque d’investissement Goldman Sachs qui s’est portée acquéreur des dites obligations.

Mais qu’est-ce qui explique un tel besoin de liquidités, au point que la SVB en soit arrivé à vendre à perte son portefeuille d’obligations ?

Le piège de l’argent facile

En réaction à la crise sanitaire due à la pandémie du Covid19 et aux mesures restrictives qui en découlaient, le gouvernement américain a versé, depuis mars 2020, quelques 5.000 milliards de dollars sous forme d’aides aux entreprises et aux particuliers.

Il va sans dire que tout cet argent, crée ex-nihilo par la Réserve fédérale, conjugué à des taux d’intérêts très bas, pratiqués par cette institution depuis plus d’une décennie, est générateur d’inflation.

Le déclenchement des hostilités en Ukraine, le 24 février 2022, accompagné des sanctions occidentales contre la Russie, a amplifié ce phénomène inflationniste, devenu alors visible.
   
La hausse du taux directeur décidée par la banque centrale des Etats-Unis, pour juguler la flambée inflationniste, 450 points de base depuis mars 2022, a fait que les obligations acquises précédemment par la SVB à faible taux de rendement ont automatiquement perdu de leur valeur.

Pour rappel, une banque rémunère les dépôts de ses clients et ses emprunts à court terme, outre l'octroi de crédits, en achetant des obligations à long terme, les taux d’intérêt élevés de ces derniers couvrant ceux, moins élevés, des premiers. La différence encaissée représente le profit de la banque.

Quand cette logique financière basique est inversée, comme cela a été le cas pour la SVB, la faillite ne tarde pas à pointer à l’horizon.

Le « bank run » à l’ère Internet

L’erreur des dirigeants de la SVB a été d’annoncer simultanément, le 8 mars, les pertes enregistrées sur la vente de son portefeuille d’obligations à des fins de transaction et leurs besoin d’injection de nouveaux fonds pour recapitalisation, pourtant pas plus de 2 milliards de dollars.

L’information a vite circulé auprès des clients de la SVB et sur les réseaux sociaux, entraînant la panique et le retrait, en 48 heures, de 42 milliards de dollars, représentant le quart des dépôts auprès de cette banque.

Un « bank run » que les autorités fédérales ont vite cherché à endiguer, de crainte que la panique des déposants de la SVB ne se propage à ceux de l’ensemble du système bancaire américain, qui pèse 19.800 milliards d’actifs.

Le 10 mars, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), débarque dans les locaux de la SVB pour en saisir les comptes. Selon une législation américaine, promulguée suite à la crise financière de 1929, l’Etat ne garantit les dépôts des clients qu’à hauteur de 250.000 dollars.

Or, près de 97% des dépôts des clients de la SVB dépasse de très loin ce chiffre. Bref, s’il fallait respecter strictement la loi, l’écrasante majorité des déposants de la banque régionale californienne y aurait laissé des plumes.

Retarder l’instant fatidique

A Washington, le raisonnement qui a été tenu est simple, mais non sans graves conséquences.

Les clients de la SVB, qui s’accapare la moitié des startups existantes aux Etats-Unis, risquent de se retrouver en faillite si ils ne parviennent pas à récupérer rapidement leurs fonds pour couvrir leurs besoins de liquidités, dont le versement des salaires des employés.

Sauf qu’une telle démarche -une exception faite à la législation en vigueur aux Etats-Unis, s’empressent de préciser les responsables américains- pourrait inciter les banquiers à continuer de prendre des risques inconsidérés, en escomptant de bénéficier également de la couverture des autorités fédérales en cas de difficultés.

En d’autres termes, le système bancaire américain risque de compter pas mal de zombies, des banques défaillantes maintenues à flot avec l’argent des contribuables.

Il est bien question de créer un fonds spécial à cet effet, financé par les grandes banques américaines, d’après une nouvelle de Bloomberg publiée le 11 mars, mais il est peu probable que ces dernières se précipitent pour se gaver de titres toxiques.

Profits privés, pertes socialisées

D’autant plus que le sismographe enregistre également quelques vibrations du côté du système bancaire européen, avec un « Crédit suisse » qui vacille au bord du gouffre, une banque autrement plus importante que la SVB.

Se trouve-t-on face à un nouvel « instant Lehman Brothers, la banque américaine d’investissement dont la faillite, en septembre 2008, a enclenché le déroulement de la crise financière internationale ?

Le directeur administratif de la défunte SVB, Joseph Gentile, était, auparavant, l’un des grands dirigeants de la banque « Lehman brothers »…

Plusieurs semaines avant l’annonce de la faillite de la SVB, ses dirigeants se sont débarrassés de leurs actions, encaissant au passage des millions de dollars. Quand aux employés, ils ont reçus leur prime annuelle juste quelques heures avant la saisie de la banque par les autorités fédérales.

Dans un système libéral qui s’est éloigné de ses principes fondamentaux, les profits restent privés, alors que les pertes sont socialisées.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 15 Mars 2023

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